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Assurance vie : « Les taux annoncés donnent une vision surestimée de la réalité »

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INTERVIEW – Comme chaque début d’année, les assureurs vie ont rivalisé d’annonces sur les taux de rendements de leurs fonds en euros. Des informations pas toujours complètes selon Cyrille Chartier-Kastler, le fondateur du site de prescription d’assurance Good Value for Money qui vient de publier une étude sur le sujet.

 Toutsurl’assurancevie.com : Les assureurs mentent-il sur les taux de rendement de leur fonds en euros ?

Cyrille Chartier-Kastler : Non, les assureurs ne mentent pas ; le seul point est que l’information transmise sur les rendements n’est pas toujours complète. Aussi, les taux annoncés donnent une vision surestimée de la réalité. L’écart entre la moyenne des taux communiqués et la moyenne effective des taux servis se situe entre 15 à 25 centimes selon les années. Certains détenteurs de contrats « anciens » découvrent ainsi à la lecture de leur relevé annuel de situation des taux qui n’ont été encore que très peu communiqués de manière publique.

Comment expliquez-vous alors ces écarts ?
Ces différences s’expliquent par un biais de communication finalement assez logique : les compagnies mettent en avant leurs produits délivrant les meilleurs rendements et sont souvent plus discrètes sur les contrats moins bien dotés. Cette politique de communication s’accentue au fil des années, puisque les taux communiqués en 2012 par les acteurs de l’assurance vie dépassent dans les trois quart des cas (76%) la moyenne du rendement du marché contre 69% des produits en 2006.

Quels produits sont ainsi mis en évidence ?
Une partie de la profession dévoile en priorité les rendements des produits les plus récents dont les taux se révèlent en moyenne supérieurs de 23 centimes à ceux des contrats les plus anciens. Les nouveaux contrats portent sur des encours plus faibles, ce qui permet aux assureurs de faire valoir des rendements favorables à moindre coût. Ces contrats sont alors utilisés comme des produits d’appel pour capter la collecte des épargnants. Les compagnies servent en contrepartie souvent des rendements plus faibles sur leur « vieux » contrats pour lesquels les clients demeurent captifs jusqu’à la barrière fiscale des huit ans (avant, les intérêts des contrats sont taxés à 15% ou 30%, NDLR). Ces politiques de rendement différenciés se retrouvent surtout chez les compagnies ou les bancassureurs « capitalistes » (privées en opposition aux assureurs vie mutualistes, NDLR) comme Allianz, Axa, Generali et d’autres. Ces opérateurs cotés en Bourse sont aujourd’hui dans un champ de contraintes élevé pour réussir à délivrer un bon rendement des capitaux investis par leur actionnaire, alors même que les taux sont historiquement bas et que les marges fondent de ce fait.

Cette pratique n’est pas généralisée à l’ensemble du marché. Certains opérateurs appliquent des taux identiques sur tous leurs contrats. Je pense en particulier aux assureurs vie mutualistes et associatifs comme l’Afer, Asac Fapes ou Mutavie, dont les taux sont servis de façon plus égalitaire indifféremment de la taille des contrats et de l’ancienneté de leurs clients.

La moyenne des taux cachent-elles de fortes inégalités entre les contrats ?
Oui. Pris dans leur ensemble, les taux annoncés masquent de fortes disparités. Les meilleurs taux s’élèvent ainsi en 2012 entre 3,70 et 3,90% contre une fourchette de 2 à 2,30% pour les plus faibles. Ces écarts de rendement s’accroissent au fil des années : en 2012, il se situe entre 140 et 190 centimes. Nous observons par exemple cet intervalle maximal entre le rendement du contrat Winnéo Retraite de MAAF Vie situé à 2,01% et celui du Compte Epargne Libre Avenir de la MIF qui est à 3,90% en 2012.

Comment expliquer ces différences du simple au double ?
Elles s’expliquent d’abord par la stratégie d’allocation des actifs de chaque assureur et la prise de risque associée, notamment la répartition entre actions et obligations. Mais les taux varient également en fonction du choix des assureurs de provisionner une partie de leurs résultats afin de garantir les rendements futurs ou au contraire de puiser dans leurs réserves dans le but de « doper » ou simplement maintenir les rendements servis en 2012.

Ceux qui font le choix de ne pas constituer de provision pour participation aux excédents (PPE) ont ainsi fortement augmenté leurs rendements servis en 2012. Ces compagnies ont connu une année 2012 bénéfique sur le plan financier avec la remontée du marché des actions qui composent environ 7-8% des fonds en euros. C’est le cas par exemple du fonds Carnet d’Epargne (+0,97% en 2012) des produits Capma et Capmi de Monceau Assurances. Mais cette stratégie présente le risque d’une volatilité des rendements d’une année sur l’autre car la marge de manœuvre pour les années futures est plus limitée. Même s’il faut le préciser, tous les assureurs conservent des sécurités, notamment de nature réglementaire.

Quels contrats doivent privilégier les épargnants ?
Lors de son choix, l’épargnant a tout d’intérêt à comparer le rendement servi durant les dernières 5 années au minimum. La quasi-totalité des compagnies proposent des offres de bonne qualité ; la vraie question est de les dénicher. Allianz est ainsi l’assureur partenaire d’Asac Fapes et Axa de l’Agipi. Il n’y a donc aucun caractère binaire selon la nature de la compagnie ; l’assuré doit simplement prendre du recul avant de souscrire.

D’autres produits offrent des rendements supérieurs à la moyenne. Je pense en particulier aux produits avec plusieurs fonds en euros qui gagnent du terrain. Ils représentent aujourd’hui 8 % des produits contre seulement 2 % en 2006. Les fonds en euros immobiliers et « dynamiques » (avec une « poche » actions ; NDLR) proposent également des rendements moyens supérieurs à ceux des fonds en euros classique. Ces gains vont de 61 centimes pour les premiers à 63 centimes pour les seconds. Mais ces contrats concernent davantage une clientèle avertie, qualifiée de « patrimoniale ».

Pourquoi ces contrats sont-ils meilleurs que la moyenne ?
Les contrats dotés de plusieurs fonds permettent de diversifier la stratégie d’allocation du produit en présentant des profils de risque plus élevés. Les fonds en euros dynamiques proposent par exemple une garantie de rendement minimum de 0%. Mais en contrepartie de cette prise de risque dans la gestion financière, ils peuvent doper le rendement en prenant davantage de risques sur leurs actifs.

Les fonds immobilier peuvent contenir entre 30 et 50 % d’actifs immobiliers. Cette composition leur assure un bon rendement récurrent grâce aux loyers. Mais attention au risque de dégradation du marché immobilier et de liquidité ! Il faut rentrer sur ces fonds dans une approche de long terme.

Propos recueillis par Pierre Havez

 


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